jeudi 3 octobre 2019

Introduction à l'analyse structurale des récits Roland Barthes


Introduction à l'analyse structurale des récits Roland Barthes

Barthes Roland. Introduction à l'analyse structurale des récits. In: Communications, 8, 1966. Recherches sémiologiques : l'analyse structurale du récit. pp. 1-27

La linguistique ne saurait donc se donner un objet supérieur à la phrase, parce qu'au-delà de la phrase, il n'y a jamais que d'autres phrases : ayant décrit la fleur, le botaniste ne peut s'occuper de décrire le bouquet.
le discours a ses unités, ses règles, sa « grammaire » : au-delà de la phrase et quoique composé uniquement de phrases, le discours doit être naturellement l'objet d'une seconde linguistique.
 Cette lin le discours serait une grande « phrase » (dont les unités ne sauraient être nécessairement des phrases), tout comme la phrase, moyennant certaines spécifications, est un petit « discours ». guistique du discours,
structurellement, le récit participe de la phrase, sans pouvoir jamais se réduire à une somme de phrases : le récit est une grande phrase, comme toute phrase constative est, d'une certaine manière, l'ébauche d'un petit récit
on retrouve en effet dans le récit, agrandies et transformées à sa mesure, les principales catégories du verbe : les temps, les aspects, les modes, les personnes; de plus, les « sujets » eux-mêmes opposés aux prédicats verbaux, ne laissent pas de se soumettre au modèle phrastique : la typologie actantielle proposée par A. J. Greimas 2 retrouve dans la multitude des personnages du récit les fonctions élémentaires de l'analyse grammaticale.
il permet à la fois d'énoncer comment un récit n'est pas une simple somme de propositions et de classer la masse énorme d'éléments qui rentrent dans la composition d'un récit. Ce concept est celui de niveau de description K
toute unité qui appartient à un certain niveau ne prend de sens que si elle peut s'intégrer dans un niveau supérieur : un phonème, quoique parfaitement descriptible, en soi ne veut rien dire; il ne participe au sens qu'intégré dans un mot ; et le mot lui-même doit s'intégrer dans la phrase 2.
« En termes quelque peu vagues, un niveau peut être considéré comme un système de symboles, règles, etc. dont on doit user pour représenter les expressions.
dans son analyse de la structure du mythe, Lévi-Strauss a déjà précisé que les unités constitutives du -discours mythique (mythèmes) n'acquièrent de signification que parce qu'elles sont groupées en paquets et que ces paquets eux-mêmes se combinent 6;
T. Todorov, reprenant la distinction des Formalistes russes, propose de travailler sur deux grands niveaux, eux-mêmes subdivisés : Vhistoire (l'argument), comprenant une logique des actions et une « syntaxe » des personnages, et le discours, comprenant les temps, les aspects et les modes du récit 6.
le récit soit une hiérarchie d'instances. Comprendre un récit, ce n'est pas seulement suivre le dévidement de l'histoire, c'est aussi y reconnaître des « étages », projeter les enchaînements horizontaux du « fil » narratif sur un axe implicitement vertical; lire (éouter) un récit, ce n'est pas seulement passer d'un mot à l'autre, c'est aussi passer d'un niveau à l'autre. le sens n'est pas « au bout » du récit, il le traverse; tout aussi évident que la Lettre volée, il n'échappe pas moins qu'elle à toute exploration unilatérale.


On propose de distinguer dans l'œuvre narrative trois niveaux de description : le niveau des « fonctions » (au sens que ce mot a chez Propp et chez Bremond), le niveau des « actions » (au sens que ce mot a chez Greimas lorsqu'il parle des personnages comme d'actants), et le niveau de la « narration » (qui est, en gros, le niveau du « discours » chez Todorov). On voudra bien se rappeler que ces trois niveaux sont liés entre eux selon un mode d'intégration progressive : une fonction n'a de sens que pour autant qu'elle prend place dans l'action générale d'un actant; et cette action elle-même reçoit son sens dernier du fait qu'elle est narrée, confiée à un discours qui a son propre code.
La détermination des unités. Tout système étant la combinaison d'unités dont les classes sont connues, il faut d'abord découper le récit et déterminer les segments du discours narratif que l'on puisse distribuer dans un petit nombre de classes; en un mot, il faut définir les plus petites unités narratives.
c'est le caractère fonctionnel de certains segments de l'histoire qui en fait des unités
J. Greimas, qui en vient à définir l'unité par sa corrélation paradigmatique, mais aussi par sa place à l'intérieur de l'unité syntagmatique dont elle fait partie.

L'âme de toute fonction, c'est, si l'on peut dire, son germe du sens ce qui lui permet d'ensemencer le récit d'un élément qui mûrira plus tard
l'énoncé de ce détail (quelle qu'en soit la forme linguistique) constitue donc une fonction, ou unité narrative.
Il n'en reste pas moins qu'un récit n'est jamais fait que de fonctions : tout, à des degrés divers, y signifie
ce qui est noté est, par définition, notable
La fonction est évidemment, du point de vue linguistique, une unité de contenu : c'est ce ce que veut dire » un énoncé qui le constitue en unité fonctionnelle 4, non la façon dont cela est dit
Fonctions et Indices, la relation de l'unité et de son corrélat n'est plus alors distributionnelle (souvent plusieurs indices renvoient au même signifié et leur ordre d'apparition dans le discours n'est pas nécessairement pertinent), mais intégrative; pour comprendre « à quoi sert » une notation indicielle, il faut passer à un niveau supérieur (actions des personnages ou narration), car c'est seulement là que se dénoue l'indice; la puissance administrative qui est derrière Bond, indexée par le nombre des appareils téléphoniques, n'a aucune incidence sur la séquence d'actions où s'engage Bond en acceptant la communication; elle ne prend son sens qu'au niveau d'une typologie générale des actants (Bond est du côté de l'ordre) ; les indices, par la nature en quelque sorte verticale de leurs relations, sont des unités véritablement sémantiques, car, contrairement aux « fonctions » proprement dites, ils renvoient à un signifié, non à une « opération »
Certains récits sont fortement fonctionnels (tels les contes populaires), et à l'opposé certains autres sont fortement indiciels (tels les romans « psychologiques »)
Pour reprendre la classe des Fonctions, ses unités n'ont pas toutes la même « importance »; certaines constituent de véritables charnières du récit (ou d'un fragment du récit) ; d'autres ne font que « remplir » l'espace narratif qui sépare les fonctionscharnières : appelons les premières des fonctions cardinales (ou noyaux) et les secondes, eu égard à leur nature complétive, des catalyses.


il est toujours possible de disposer des notations subsidiaires, qui s'agglomèrent autour d'un noyau ou d'un autre sans en modifier la nature alternative : l'espace qui sépare « le téléphone sonna » et « Bond décrocha » peut être saturé par une foule de menus incidents ou de menues descriptions : « Bond se dirigea vers le bureau, souleva un récepteur, posa sa cigarette », etc
catalyses restent fonctionnelles, dans la mesure où elles entrent en corrélation avec un noyau,
Tout laisse à penser, en effet, que le ressort de l'activité narrative est la confusion même de la consecution et de la conséquence, ce qui vient après étant lu dans le récit comme causé par;
les fonctions cardinales sont les moments de risque du récit; e es catalyses disposent des zones de sécurité,
une notation, elle accélère, retarde, relance le discours, elle résume, anticipe, parfois même déroute * : le noté apparaissant toujours comme du notable, la catalyse réveille sans cesse la tension sémantique du discours, dit sans cesse : il y a eu, il va y avoir du sens; la fonction constante de la catalyse est donc, en tout état de cause, une fonction phatique (pour reprendre le mot de Jakobson) : elle maintient le contact entre le narrateur et le narrataire. Disons qu'on ne peut supprimer un noyau sans altérer l'histoire, mais qu'on ne peut non plus supprimer une catalyse sans altérer le discours.
Quant à la seconde grande classe d'unités narratives (les Indices), classe intégrative, les unités qui s'y trouvent ont en commun de ne pouvoir être saturées (complétées) qu'au niveau des personnages ou de la narration; elles font donc partie d'une relation paramétrique2, dont le second terme, implicite, est continu, extensif à un épisode, un personnage ou une œuvre tout entière; on peut cependant y distinguer des indices proprement dits, renvoyant à un caractère, à un sentiment, à une atmosphère (par exemple de suspicion), à une philosophie, et des informations, qui servent à identifier, à situer dans le temps et dans l'espace. Dire que Bond est de garde dans un bureau dont la fenêtre ouverte laisse voir la lune entre de gros nuages qui roulent, c'est indexer une nuit d'été orageuse, et cette déduction elle-même forme un indice atmosphériel qui renvoie au climat lourd, angoissant d'une action que l'on ne connaît pas encore. Les indices ont donc toujours des signifiés implicites;

Les indices impliquent une activité de déchiffrement :
l'informant (par exemple l'âge précis d'un personnage) sert à authentifier la réalité du réfèrent, à enraciner la fiction dans le réel : c'est un opérateur réaliste, et à ce titre, il possède une fonctionnalité incontestable, non au niveau de l'histoire, mais au niveau du discours
Noyaux et catalyses, indices et informants (encore une fois peu importe les noms), telles sont, semble- t-il, les premières classes entre lesquelles on peut répartir les unités du niveau fonctionnel.
Tout d'abord, une unité peut appartenir en même temps à deux classes différentes : boire un whisky (dans un hall d'aéroport) est une action qui peut servir de catalyse à la notation (cardinale) d'attendre, mais c'est aussi et en même temps l'indice d'une certaine atmosphère (modernité, détente, souvenir, etc.) : autrement dit, certaines unités peuvent être mixtes. T



Les catalyses, les indices et les informants ont en effet un caractère commun : ce sont des expansions, par rapport aux noyaux : les noyaux (on va le voir à l'instant) forment des ensembles finis de termes peu nombreux, ils sont régis par une logique, ils sont à la fois nécessaires et suffisants; cette armature donnée, les autres unités viennent la remplir selon un mode de prolifération en principe infini; on le sait, c'est ce qui se passe pour la phrase, faite de propositions simples, compliquées à l'infini de duplications, de remplissages, d'enrobements, etc. : comme la phrase, le récit est infiniment catalysable. Mallarmé
« mots-nœuds » et ses « mots-dentelles » comme le blason de tout récit — de tout langage
La syntaxe fonctionnelle : Comment, selon quelle « grammaire », ces différentes unités s'enchaînent-elles les unes aux autres le long du syntagme narratif?
Les informants et les indices peuvent librement se combiner entre eux : tel est par exemple le portrait, qui juxtapose sans contrainte des données d'état civil et des traits caractériels.
une relation d'implication simple unit les catalyses et les noyaux
les expansions sont supprimables, les noyaux ne le sont pas), ensuite parce qu'elle préoccupe principalement ceux qui cherchent à structurer le récit
Y a-t-il derrière le temps du récit une logique intemporelle?
PROPP le temps est à ses yeux le réel, et pour cette raison il lui paraît nécessaire d'enraciner le conte dans le temps
ARISTOTE /la primauté au logique sur le chronologique
parvenir à donner une description structurale de l'illusion chronologique ; c'est à la logique narrative à rendre compte du temps narratif.
On pourrait dire d'une autre façon que la temporalité n'est qu'une classe structurelle du récit (du discours), tout comme dans la langue, le temps n'existe que sous forme de système; du point de vue du récit, ce que nous appelons le temps n'existe pas, ou du moins n'existe que fonctionnellement, comme élément d'un système sémiotique :
 le temps n'appartient pas au discours proprement dit, mais au réfèrent; le récit et la langue ne connaissent qu'un temps sémiologique ; l
l'illusion est en effet produite par le discours lui-même.
Bremond :  saisit les personnages au moment où ils choisissent d'agir.
Le second modèle, est linguistique (Lévi-Strauss, Greimas) : la préoccupation essentielle de cette recherche est de retrouver dans les fonctions des oppositions paradigmatiques,
Todorov est quelque peu différente, car elle installe l'analyse au niveau des « actions » (c'est-à-dire des personnages), en essayant d'établir les règles par lesquelles le récit combine, varie et transforme un certain nombre de prédicats de base.



Une séquence est une suite logique de noyaux, unis entre eux par une relation de solidarité 8 : la séquence s'ouvre lorsque l'un de ses termes n'a point d'antécédent solidaire et elle se ferme lorsqu'un autre de ses termes n'a plus de conséquent.
La séquence est en effet toujours nommable
micro-séquences
on peut imaginer qu'elles font partie d'un métalangage intérieur au lecteur (à l'auditeur) lui-même, qui saisit toute suite logique d'actions comme un tout nominal : lire, c'est nommer; écouter, ce n'est pas seulement percevoir un langage, c'est aussi le construire.
la logique close qui structure une séquence est indissolublement liée à son nom :
Voici une micro-séquence : tendre la main, la serrer, la rélâcher; cette Salutation devient une simple fonction : d'une part, elle prend le rôle d'un indice (mollesse de du Pont et répugnance de Bond), et d'autre part elle forme globalement le terme d'une séquence plus large, dénommée Rencontre, dont les autres termes (approche, arrêt, interpellation, salutation, installation) peuvent être eux-mêmes des micro-séquences. Tout un réseau de subrogations structure ainsi le récit, des plus petites matrices aux plus grandes fonctions. Il s'agit là, bien entendu, d'une hiérarchie qui reste intérieure au niveau fonctionnel
Il y a donc à la fois une syntaxe intérieure aux séquences et une syntaxe des séquences entre elles.
Mais ce qu'il faut noter, c'est que les termes de plusieurs séquences peuvent très bien s'imbriquer les uns dans les autres : une séquence n'est pas finie, que, déjà, s'intercalant, le terme initial d'une nouvelle séquence peut surgir :
Vers un statut structural des personnages.
Dans la Poétique aristotélicienne, la notion de personnage est secondaire, entièrement soumise à la notion d'action : il peut y avoir des fables sans « caractères », dit Aristote,
le personnage a cessé d'être subordonné à l'action, il a incarné d'emblée une essence psychologique;
L'analyse structurale, très soucieuse de ne point définir le personnage en termes d'essences psychologiques
Mais de définir le personnage non comme un « être », mais comme un « participant ».
Pour Cl. Bremond, chaque personnage peut être l'agent de séquences d'actions qui lui sont propres
en somme, chaque personnage, même secondaire, est le héros de sa propre séquence.
T. Todorov, analysant un roman « psychologique » (Les Liaisons dangereuses) part, non des personnages-personnes, mais des trois grands rapports dans lesquels ils peuvent s'engager et qu'il appelle prédicats de base (amour, communication, aide); ces rapports sont soumis par l'analyse à deux sortes de règles : de dérivation lorsqu'il s'agit de rendre compte d'autres rapports et d'action lorsqu'il s'agit de décrire la transformation de ces rapports au cours de l'histoire
il y a beaucoup de personnages dans Les Liaisons dangereuses, mais « ce qu'on en dit » (leurs prédicats) se laisse classer.
Enfin, A. J. Greimas a proposé de décrire et de classer les personnages du récit, non selon ce qu'ils sont, mais selon ce qu'ils, font (d'où leur nom d'octants), pour autant qu'ils participent à trois grands axes sémantiques, que l'on retrouve d'ailleurs dans la phrase (sujet, objet, complément d'attribution, complément circonstantiel) et qui sont la communication, le désir (ou la quête) et l'épreuve1; comme cette participation s'ordonne par couples, le monde infini des personnages est lui aussi soumis à une structure paradigmatique (Sujet /Objet, Donateur /Destinataire, Adjuvant /Opposant), projetée le long du récit; et comme l'actant définit une classe, il peut se remplir d'acteurs différents, mobilisés selon des règles de multiplication, de substitution ou de carence.
 En gros il s’agit de définir le personnage par sa participation à une sphère d'actions
ces sphères étant peu nombreuses, typiques, classables;
des grandes articulations de la praxis (désirer, communiquer, lutter
les problèmes soulevés par une classification des personnages du récit ne sont pas encore bien résolus.
à l'intérieur d'une œuvre, une même figure peut absorber des personnages différents la psychanalyse l’a prouvé
La véritable difficulté posée par la classification des personnages est la place (et donc l'existence) du sujet dans toute matrice actantielle, quelle qu'en soit la formule. Qui est le sujet (le héros) d'un récit? Y a-t-il — ou n'y a-t-il pas une classe privilégiée d'acteurs?
beaucoup de récits mettent aux prises, autour d'un enjeu, deux adversaires, dont les « actions » sont de la sorte égalisées; le sujet est alors véritablement double, le récit à la structure de certains jeux (fort modernes), dans lesquels deux adversaires égaux désirent conquérir un objet mis en circulation par un arbitre le jeu lui aussi est une phrase K une fois de plus, il faudra se rapprocher de la linguistique pour pouvoir décrire et classer l'instance personnelle (je/tu) ou apersonnelle (il) singulière, duelle ou plurielle, de l'action. Ce seront — peut-être — les catégories grammaticales de la personne (accessibles dans nos pronoms) qui donneront la clef du niveau actionnel.
Par exemple : les récits ou l'objet et le sujet se confondent dans un même personnage sont les récits de la quête de soi-même, de sa propre identité [L'Ane d'or) ; récits où le sujet poursuit des objets successifs (Mme Bovary), etc.
1.       La communication narrative.
le récit, comme objet, est l'enjeu d'une communication : il y a un donateur du récit, il y a un destinataire du récit.
il est de décrire le code à travers lequel narrateur et lecteur sont signifiés le long du récit lui-même. Les signes du narrateur paraissent à première vue plus visibles et plus nombreux que les signes du lecteur (un récit dit plus souvent je que tu
Qui est le donateur du récit?
Trois conceptions semblent avoir été, jusqu'ici, énoncées
le récit (notamment le roman) n'est alors que l'expression d'un je qui lui est extérieur. La deuxième conception fait du narrateur une sorte de conscience totale, apparemment impersonnelle, qui émet l'histoire d'un point de vue supérieur, celui de Dieu 3 : le narrateur est à la fois intérieur à ses personnages (puisqu'il sait tout ce qui se passe en eux) et extérieur (puisqu'il ne s'identifie jamais avec l'un plus qu'avec l'autre). La troisième conception, la plus récente (HenryJames, Sartre) édicté que le narrateur doit limiter son récit à ce que peuvent observer ou savoir les personnages : tout se passe comme si chaque personnage était tour à tour l'émetteur du récit.
Or, du moins à notre point de vue, narrateur et personnages sont essentiellement des « êtres de papier »; l'auteur (matériel) d'un récit ne peut se confondre en rien avec le narrateur de ce récit *; les signes du narrateur sont immanents au récit, et par conséquent parfaitement accessibles à une analyse sémiologique; mais pour décider que l'auteur lui-même (qu'il s'affiche, se cache ou s'efface) dispose de « signes » dont il parsèmerait son œuvre, il faut supposer entre la « personne »

l'analyse structurale : qui parle (dans le récit) n'est pas qui écrit (dans la vie) et qui écrit n'est pas qui est 
. J. Lacan : « Le sujet dont je parle quand je parle est-il le même que celui qui parle ? »
En fait, la narration proprement dite (ou code du narrateur) ne connaît, comme d'ailleurs la langue, que deux systèmes de signes : personnel et a-personnel; ces deux systèmes ne bénéficient pas forcément des marques linguistiques attachées à la personne (je) et à la non-personne (il) ; il peut y avoir, par exemple, des récits, ou tout au moins des épisodes, écrits à la troisième personne et dont l'instance véritable est cependant la première personne. Comment en décider?
Il est certain que l'a-personnel est le mode traditionnel du récit, la langue ayant élaboré tout un système temporel, propre au récit (articulé sur l'aoriste a), destiné à évincer le présent de celui qui parle : « Dans le récit, dit Benveniste, personne ne parle. »
(Cinq heures vingt-cinq) ne maintient l'énigme qu'en trichant sur la personne de la narration : un personnage est décrit de l'intérieur, alors qu'il est déjà le meurtrier 3 : tout se passe comme si dans une même personne il y avait une conscience de témoin, immanente au discours, et une conscience de meurtrier, immanente au réfèrent :
Tricher sur les personnes sans cependant pouvoir toujours l'honorer jusqu'au bout. Cette rigueur — recherchée par certains écrivains contemporains — n'est pas forcément un impératif esthétique
tout le logos étant ramené — ou étendu — à une lexis
Le niveau narrationnel est donc occupé par les signes de la narrativité
Il faut y ajouter évidemment l'écriture dans son ensemble, car son rôle n'est pas de a transmettre » le récit, mais de l'afficher.
Ceci explique que le code narrationnel soit le dernier niveau que notre analyse puisse atteindre
au-delà du niveau narrationnel, commence le monde, c'est-à-dire d'autres systèmes (sociaux, économiques, idéologiques), dont les termes ne sont plus seulement les récits, mais des éléments d'une autre substance (faits historiques, déterminations, comportements, etc.).
De même que la linguistique s'arrête à la phrase, l'analyse du récit s'arrête au discours : il faut ensuite passer à une autre sémiotique
On peut dire de la même façon que tout récit est tributaire d'une « situation de récit », ensemble des protocoles selon lesquels le récit est consommé. Dans les sociétés dites « archaïques », la situation de récit est fortement codée3tique.
Escamoter le codage de la situation de récit
romans par lettres, manuscrits prétendument retrouvés, auteur qui a rencontré le narrateur, films qui lancent leur histoire avant le générique. La répugnance à afficher ses codes marque la société bourgeoise et la culture de masse qui en est issue : à l'une et à l'autre, il faut des signes qui n'aient pas l'air de signes.
Le récit comme parole d'une langue qui prévoit et porte son propre métalangage.
. LE SYSTÈME DU RÉCIT
La langue proprement dite peut être définie par le concours de deux procès fondamentaux : l'articulation, ou segmentation, qui produit des unités (c'est la forme, selon Benveniste), l'intégration, qui recueille ces unités dans des unités d'un rang supérieur (c'est le sens). Ce double procès se retrouve dans la langue du récit; elle aussi connaît une articulation et une intégration, une forme et un sens.
La forme du récit est essentiellement marquée par deux pouvoirs : celui de distendre ses signes  يوزع علاماتهle long de l'histoire, et celui d'insérer dans ces distorsionsتشويه  des expansions imprévisibles. Ces deux pouvoirs apparaissent comme des libertés; mais le propre du récit est précisément d'inclure ces « écarts » dans sa langue 1.
il y a dystaxie, dès que les signes (d'un message) ne sont plus simplement juxtaposés, dès que la linéarité (logique) est troublée (le prédicat précédant par exemple le sujet). Une forme notable de la dystaxie se rencontre lorsque les parties d'un même signe sont séparées par d'autres signes le long de la chaîne du message (par exemple, la négation ne jamais et le verbe a pardonné dans : elle ne nous a jamais pardonné) : le signe étant fractionné, son signifié est réparti sous plusieurs signifiants, distants les uns des autres et dont chacun pris à part ne peut être compris. On l'a déjà vu à propos du niveau fonctionnel
, c'est exactement ce qui se passe dans le récit :
les unités d'une séquence, quoique formant un tout au niveau de cette séquence même, peuvent être séparées les unes des autres par l'insertion d'unités qui viennent d'autres séquences
le récit serait une langue fortement synthétique, fondée essentiellement sur une syntaxe d'emboîtement et d'enveloppement : chaque point du récit irradie يضيءdans plusieurs directions à la fois
Cf. Lévi-Strauss (Anthropologie structurale, p. 234) : a Des relations qui proviennent du même paquet peuvent apparaître à intervalles éloignés, quand on se place à un point de vue diachronique. » — A. J. Greimas a insisté sur l'écartement des fonctions (Sémantique structurale)
l'unité est « prise » par tout le récit, mais aussi le récit ne « tient » que par la distorsion et l'irradiation de ses unités
en maintenant une séquence ouverte (par des procédés emphatiques de retard et de relance), il renforce le contact avec le lecteur (l'au« diteur), détient une fonction manifestement phatique; et d'autre part, il lui offre la menace d'une séquence inaccomplie, d'un paradigme ouvert (si, comme nous le croyons, toute séquence a deux pôles), c'est-à-dire d'un trouble logique, et c'est ce trouble qui est consommé avec angoisse et plaisir (d'autant qu'il est toujours, finalement, réparé)
le « suspense » capture par 1* « esprit », non par les a tripes »
Ce qui peut être séparé, peut être aussi rempli.
D'une part, une fonction (il prit un repas substantiel) peut économiser toutes les catalyses virtuelles qu'elle recèle (le détail du repas)
l est possible de réduire une séquence à ses noyaux et une hiérarchie de séquences à ses termes supérieurs, sans altérer le sens de l'histoire
le récit s'offre au résumé
première vue, il en est ainsi de tout discours ; mais chaque discours a son type de résumé
on ne peut résumer un poème.
On altère le récit transformé en film
Dans la langue du récit, le second procès important, c'est l'intégration : ce qui a été disjoint à un certain niveau (une séquence, par exemple) est rejoint le plus souvent à un niveau supérieur

la complexité d'un récit peut se comparer à celle d'un organigramme, capable d'intégrer les retours en arrière et les sauts en avant; ou plus exactement, c'est l'intégration, sous des formes variées,c'est elle qui permet d'orienter la compréhension d'éléments discontinus, contigus et hétérogènes (tels qu'ils sont donnés par le syntagme, qui, lui ne connaît qu'une seule dimension : la succession)

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